Je vois passer ça et là des réflexions, souvent de techbros, sur le fait que je cite « Des gens sans talent ni formation lancent un truc fun grâce à l'IA »

Alors m'okay, admettons, mais moi cette réflexion, même si elle est pas forcément dénué de sens me pose plein de problèmes.

Déjà dire de gens qu'ils sont « sans talent » je trouve ça très condescendant mais pour la suite on va admettre que la réflexion d'origine était imprécise et sous entendait « sans talent dans le dessin », bah encore une fois ça me pose plusieurs problèmes :

• avec cette idée on part du principe que les artistes auraient un talent innée, qu'ils auraient de la chance d'être nés déjà talentueux, sans nier qu'il puisse y avoir quelques prédispositions, ça néglige complètement le travail fournit pour atteindre un bon niveau en dessin (ou toute autre pratique)
• de fait ça condamne les « sans talents » à le rester toute leur vie, or je pense qu'on se perfectionne toute notre vie, ça nous mets dans un paradoxe de l'œuf et de la poule, les « sans talents » utilisent ils l'IA parce qu'ils n'ont pas de talent, ou n'ont ils pas de talent parce qu'ils utilisent l'IA comme solution de facilité ?

Ou autrement dis, comment voulez-vous développer une compétence que vous n'utilisez jamais ? J'irais même plus loin : comment avoir une réflexion sur le monde si vous confiez votre capacité à réfléchir à une machine ?

Alors on m'opposera très certainement que « Je m'en fiche d'être talentueux en dessin, je veux juste générer mon portrait façon ghibli pour m'amuser », ce que je peux comprendre moyennement, quelle satisfaction on en tire vraiment ? Surtout quand on connaît le coût écologique et social désastreux d'un prompt ?

Ouverture parenthèses
Oui parce que jusque là j'ai un discours relativement soft mais faut bien garder en tête que l'IA c'est de l'exploitation de travailleurs du click, du pillage de contenu, de la désinformation, de la surveillance et une source énorme de pollution
Fermeture parenthèses

Perso je suis nul en dessin et j'ai pas envie d'apprendre, bon bah je me focalise sur autre chose comme la musique, et si un jour j'ai envie de voir ma tronche dessinée je préfères payer un.e artiste pour le faire, ça aura le mérite de nourrir correctement quelqu'un sans détruire la planète et le tiers monde encore un peu plus pour un résultat qui sera en plus très certainement bien meilleur qu'avec une IA.

Pour résumer : soit je me mets au dessin et ça me demandera un peu de travail, soit j'économise pour faire appel à un dessinateur, 2 solutions qui font des gagnants, soit je recours à la dernière solution qu'est l'IA mais ne comporte que des perdants sauf la boîte qui l'a pondu.

Peut-être faut-il accepter de ne pas tout avoir dans l'instant et sans débourser un centime.

Une interview intéressante de China Miéville à propos de la SF, de son statut de sous-culture et de son évolution.

« This, to me, is what happens with all subcultures. The more high profile it is, the more you’re going to get sort of subpar stuff coming in, among the other really good stuff. It’s going to become commodified. Not that it was ever not [commodified], but let’s say, even more so. There will be a kind of cheapening. You end up with kind of Cthulhu plushies, all this stuff. And you can drive yourself mad with this. »

Je sais pas si vous avez vu passer cette histoire de sphère de Dyson (rien à voir avec les aspirateurs) qui sont des mégastructures extraterrestres hypothétiques (créées pour produire de l'énergie) que des scientifiques recherchent pour de vrai, là, maintenant (mais ça remonte aux années 60 au départ)

Bon bref je suis pas apte à juger si l'hypothèse est acceptable mais je me suis demandé assez rapidement si le contexte de crise énergétique pouvait entretenir des fantasmes et orienter les recherches et... J'ai rien trouvé là dessus

Par contre y a un super article sur OpenEdition qui retrace l'histoire de cette hypothèse, en gros un scientifique (Dyson qu'il s'appelle) commence à s'intéresser à ça après avoir lu un roman de SF et il publie sa théorie dans Science.

Là où ça devient drôle c'est qu'un auteur de SF lui a répondu que ça tenait pas debout son histoire, on se retrouve dans une situation où des scientifiques se mettent à rechercher des artéfacts de fiction quand des auteurs leurs disent d'être raisonnables quoi

C'est résumé dans les très grosses lignes, l'historique de l'article allant jusqu'à 2015, mais je vous laisse le plaisir de le lire en entier (il est long mais c'est un régal)